Sujet indigène/Citoyen français

 

La relation à l’Autre, la relation coloniale :

Sujet indigène/Citoyen français. Un impensable ?

 

 

Par le Docteur Seltana Aballache,

Chercheure universitaire,

Qui mène un travail de recherche sur l’Algérie.

 

 

a)      Il est nécessaire d'interroger ce lien établi entre les sujets indigènes et les citoyens, car au-delà de la citoyenneté, un autre critère intervient, le racial ? ; ce qui entraîne un renforcement du principe ethnique. Le principe de la citoyenneté dans l’entreprise coloniale ne peut qu’échouer. Comment est-il possible d’envisager l’assimilation au sein d’un projet colonial ?

 

Le choix de l’ouvrage, La relation à l’Autre. Au cœur de la pensée sociologique[1] s’explique pour diverses raisons. La première raison est commandée par la curiosité intellectuelle qui nous pousse à appréhender le rapport à l’Autre à travers le prisme sociologique, c'est-à-dire comme étant marqué par l’analyse des faits sociaux et historiques[2] : « la relation à l’Autre ou à l’altérité c’est bien l’action sociale elle-même[3] ». La deuxième raison relève de l’intérêt porté aux chapitres traitant de la relation colonisé/colonisateur, et à l’analyse de la citoyenneté. L’intérêt porté à la citoyenneté a été complété par la lecture de l’ouvrage La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de la nation[4] . En nous appuyant sur ces ouvrages, nous aimerions présenter une réflexion qui s’est construite au fil de ces lectures sur la construction coloniale « sujet indigène/citoyen français ». Le lien entre colonisation et citoyenneté n’est pas évident à penser car ce « montage » engendre des incohérences : comment penser la citoyenneté dans une situation coloniale ? La colonisation ne s’inscrit-elle pas dans une démarche contraire aux valeurs de la démocratie et de la citoyenneté. Contradiction qui a nourri l’aporie de la colonisation au regard de la citoyenneté.

Par conséquent, ce travail vise à mettre en lumière la problématique du rapport colonisation/citoyenneté, au regard de la construction juridique sujet indigène/citoyen français[5]. Cette nomenclature installe le lecteur dans une contradiction psychique, intellectuelle. Il nous est apparu que cette construction juridique sous cette forme antinomique pouvait étayer une réflexion qui dégagerait une hypothèse de recherche concernant la thématique de la colonisation en Algérie, plus spécifiquement des camps de regroupement. Avant d’en arriver là, nous aimerions dérouler le questionnement qui nous a amené à penser que le sujet indigène non citoyen, pouvait ne pas apparaître comme contradictoire dans le cadre de l’entreprise coloniale. Cette construction juridique relève assurément d’une « monstruosité juridique[6] », dès lors que l’analyse s’articule sur l’idée démocratique du principe universel de la citoyenneté. Avec l’exigence du respect et de l’application des droits de l’homme. C'est-à-dire des rapports marqués du sceau de l’universalisme. « C’est ainsi qu’on a pu voir naître cette monstruosité juridique par rapport aux principes de la démocratie moderne [7]». Cependant, il est possible d’envisager, au sein de l’entreprise coloniale, cette construction juridique comme résultant, d’une certaine manière, d’un enchaînement logique et cohérent, car il fallait consolider, renforcer l’organisation et le maintien de la domination coloniale. En somme, construire l’armature coloniale. Par conséquent, la construction juridique « sujet indigène avec une nationalité française sans citoyenneté » relève d’une nécessité coloniale ? C’est en inscrivant le droit inhérent à la citoyenneté dans une logique coloniale qu’elle devient monstrueuse ?

En 1862, la Cour d’Alger énonce que « tout en n’étant pas citoyen, l’indigène est français [8]». Faisons retour sur le régime de l’indigénat[9] en retraçant sa genèse et en énonçant ses contradictions. Le régime de l’indigénat est toujours signalé comme un pilier essentiel de la politique indigène mais « il est rarement étudié pour lui-même et en tant que tel, d’une façon approfondie[10]». I. Merle[11] relève que, du côté de l'historiographie coloniale récente, manque une étude consacrée spécifiquement à ce dispositif de dimension impériale qui fut appliqué, sous des formes variées et pendant des périodes plus au moins longues. Alors qu’avant la Seconde guerre mondiale, le régime de l'indigénat est, au contraire, l'objet de nouveaux travaux dont beaucoup proviennent des milieux juridiques[12]. Puis il y a une suppression de cette rubrique dans les années cinquante, qui signifie la disparition des études sur le régime de l'indigénat. L'auteur explique ce phénomène par l'abolition de ce dispositif en 1946 et « la perte de son intérêt en termes d'actualité juridique [13]». Cet objet d'étude est alors progressivement oublié, comme l'est aussi, d'ailleurs, le droit colonial qui disparaît avec le démantèlement des systèmes coloniaux. Toutefois, l'étude du régime de l'indigénat permettrait d'analyser la construction de cette combinaison coloniale du sujet indigène/citoyen français,   et de dégager la citoyenneté de son rapport à la colonisation et de l'interroger comme notion autonome. Le manque d’autonomie fait qu'un autre critère se glisse, ainsi le critère ethnique dans l'administration coloniale. Ses manquements et ses trahisons seraient davantage visibles au sein des logiques coloniales (entre autres) que dans les fonctionnements démocratiques. Car la logique coloniale ne peut même pas aspirer à l'idéal, à la fiction de la citoyenneté. Les systèmes de pouvoir et de domination s'appuient davantage sur le réel[14], que sur les idéaux ou les configurations de type symbolique, ou principe universel (bien entendu avec l’appui juridique). C'est la raison pour laquelle il serait intéressant d'analyser la construction juridique « sujet indigène/citoyen français » à partir du territoire algérien colonisé, et non plus au prisme des valeurs républicaines ? A notre connaissance, les études sur l'Algérie s'élaborent à partir de la France.

Les recherches sur le régime de l'indigénat ont été abandonnées dans les années soixante : « c'est tout un pan de la réflexion historique sur le monde colonial qui a disparu, qu'il s'agisse de la situation coloniale des dynamiques en jeu dans l'élaboration d'un espace liant la colonie, la nation, l'empire[15] ». Pourtant, le régime de l’indigénat a été l’un des instruments essentiels de la violence coloniale. Il fut d’abord expérimenté en 1881 en Algérie et connu dans l’usage courant, avant la Seconde guerre mondiale, sous l’appellation de « Code de l’indigénat ». Cependant, « l’indigénat n’a, en fait, jamais pris la forme d’un « Code » regroupant les textes juridiques stabilisés sous la forme du Code civil ou Code Pénal. Les spécialistes du droit colonial préfèrent alors utiliser la notion de régime pour qualifier une série de réglementations éparses, spécifiques à chaque colonie et remarquablement instables, qui n’ont jamais été formellement reliées entre elles[16]». Fait surprenant quant à  la « non codification » d’un régime juridique dans l’entreprise coloniale ? Cette « non codification » a fait que le régime de l’indigénat expérimenté en Algérie, a été appliqué sous des formes variées, de façon totale ou partielle, selon les périodes et les territoires, jusqu’à son abolition en 1944 en l’Algérie (1946 pour les autres colonies). Cependant, la codification présuppose une volonté de pérenniser les règles juridiques en les disposant selon une forme regroupée, articulée et organisée rationnellement. « Or l’indigénat, précisément, n’a jamais été pensé comme un système pérenne[17]». Le régime de l’indigénat est donc pensé comme un régime exceptionnel et dérogatoire. L’aspect transitoire de ce régime, qui s’est finalement éternisé, signale les contradictions d’un régime juridique et explique son impossible codification. Le droit colonial ne peut que contredire les valeurs démocratiques car le régime de l’indigénat consiste en une justice répressive en dehors des règles communes ; il fallait dont créer « un espace juridique nouveau, spécifiquement réservé aux indigènes[18]».

A considérer l’administration française en Algérie, on constate, au regard des multiples décrets, lois et ordonnances modifiés au sein du cadre administratif de l’Algérie, que règne le plus grand désordre[19]. Le régime de l’indigénat « matérialise et concrétise au jour le jour la coupure entre « sujets » et citoyens opérée au sein de la catégorie « Français » par la construction de l’empire colonial à partir de 1830[20]». Par conséquent, le régime de l’indigénat peut-être apprécié comme un instrument du juridique, au service de la domination coloniale. Il contribue à « la construction des catégories juridiques en vigueur dans les colonies dans la mesure où il ne concerne précisément qu’une communauté parmi d’autres : les sujets d’Empire. Il est ainsi constitutif de la définition du statut de sujet par rapport à celui de citoyen[21]». Aussi,  la construction juridique sujet indigène /citoyen peut-elle se poser en ses termes : pourquoi le droit, dans une forme de relation à l’Autre, est-il marqué par des stratégies de pouvoir, de domination et d’humiliation ? Comment expliquer la place centrale du droit dans la « science coloniale » ? Les statuts juridiques inégaux dans l’empire colonial ne pourraient-ils pas être interprétés comme une duplication du projet colonial lui-même (la « mission civilisatrice »), à savoir l’inégalité entre les peuples ?

Nous nous sommes appuyé sur des hypothèses de recherche concernant l'importance du droit dans l'entreprise coloniale. Ceci en vue de résoudre la contradiction psychique soulevée plus haut. Si nous postulons que la construction juridique « sujet indigène/citoyen français » répond à une construction coloniale, il faut nous appuyer sur un autre (que celui de la citoyenneté elle-même) critère (historique, économique, etc) pour mettre en évidence les conditions d'application de la citoyenneté, qui ne peuvent être que restrictives dans une entreprise coloniale? En d'autres termes, peut-on confier à la seule citoyenneté la réalité du problème juridique ? On peut penser que là où intervient le droit s'imposent des exigences. Exigences qui affaiblissent l'idéal de la citoyenneté ? Par conséquent, au regard du droit colonial, nous devons essayer de comprendre comment un autre critère a été appliqué dans l'entreprise coloniale pour envisager le sujet indigène sans la citoyenneté. Car la citoyenneté revêt d'une certaine manière un aspect évident dans une société démocratique, alors que dans la logique coloniale, elle ne peut de fait s’imposer. La société coloniale repose sur des inégalités et recourt à la force : une société fondée sur la force n'est pas une société stable[22].  Quant au droit dans la « science coloniale »,  la première hypothèse qui s'impose concerne le « rôle primordial du droit comme discipline de formation de l'élite administrative et politique à cette époque [23]». Le droit fournit un arsenal de concepts pour penser « les phénomènes de pouvoir – un arsenal dynamique qui permet de comprendre les nouveaux contextes, comme le sont alors les situations coloniales [24]». La seconde hypothèse renvoie à la manière dont sont pensés les phénomènes de pouvoir : « que la colonisation ait été vue comme un phénomène juridique peut être compris en regard d'une conception très formelle du pouvoir, dominante à l'époque et qui définit celui-ci comme l'exercice d'une souveraineté[25] ». Il y a l'idée que la croyance dans les effets civilisateurs du droit conçu comme un système abstrait de normes seraient des incarnations réussies. Les spécialistes du fait colonial sont influencés par des théories évolutionnistes, dans la France du second XIXème siècle. Cette perspective inverse la logique du droit naturel appelé à se propager avec « la Civilisation, mais [avec] des droits qui sont le produit de civilisations, et, au-delà, de races différentes[26] ». En effet, les juristes coloniaux empruntent au transformisme néo-lamarckien qui rencontre un grand succès chez les scientifiques et les politiques dans le derniers tiers du siècle. Ce mouvement est largement impulsé localement, sur le territoire colonial, par une transformation des pratiques de gouvernement des populations, qui, faute de moyens et de légitimité, vont s'appuyer sur la coutume locale. En Algérie, dans la plupart des territoires, les magistrats français vont être amenés à évoquer « le droit local, souvent dans les juridictions d'appel. Partout des tentatives de codification des droits locaux ont eu lieu à leur usage[27]». Le droit colonial a dû s'accommoder de la coutume locale. Ce processus renforce les identités ethniques et laisse les sujets dans leur statut d'indigène (la citoyenneté qui n'était pas accordée en raison du statut personnel). Raison contredite par le fait que les sujets indigènes musulmans convertis au christianisme n'ont pas obtenu la citoyenneté. Par conséquent, il y a eu un recours à la race : « La notion est ici à la fois critère et fondement des distinctions entre les populations ; elle renvoie moins à une réalité biologique " la race blanche" qu'à un ensemble que l'on qualifierait de culturel puisque c'est bien de civilisation dont il s'agit[28] ». En somme, la doctrine juridique qui justifie l'exclusion des indigènes de la citoyenneté se cristallise autour de deux arguments. Le premier tient au caractère organique du droit qui implique une solidarité entre respect des normes privées et participation à la cité ; le second à l'articulation entre race et droit. Car c’est toujours dans la perspective évolutionniste qui caractérise la doctrine coloniale de la fin du XIXème siècle, que le droit public et le droit privé sont liés par un « ancrage dans un « milieu » et une « civilisation spécifique[29] ».

La doctrine juridique coloniale maintient les indigènes dans un statut de sujet par le lien postulé entre race, civilisation et droit (dès lors, on comprend mieux la relation étroite entre la construction juridique de sujet et la notion d'indigène). La notion d'indigène désigne une identité réelle et la renforce car cette appellation renvoie à la « vérité ethnique du sujet » alors que le national renvoie à la « vérité sociologique » du citoyen[30]. Cette construction confine le sujet indigène dans un statut qui ne peut le libérer de sa race. Les indigènes convertis au christianisme, n'ont pas pu accéder à la qualité de citoyen. Ils sont considérés comme des « indigènes musulmans chrétiens ». Ainsi l'accès au droit français est refusé aux colonisés. Ceci révèle un échec de la politique d'assimilation. Dans la première perspective d’assimilation, qui consistait en un processus d'exportation des institutions juridiques et administratives françaises aux colonies. Mais à partir de la fin du XIXème siècle, la tendance assimilationniste est vivement critiquée par les juristes et administrateurs coloniaux, dans la mesure où elle suppose « l’imposition nécessairement artificielle, d’institutions juridiques adaptées au "milieu français"[31] ». Donc la tendance assimilationniste a été rejetée (uniformité des statuts juridiques entre métropole et colonies). La signification du mot « assimilation » se transforme. Celui-ci ne désigne plus l’application « des normes métropolitaines au territoire colonial mais, plus globalement, la transformation de l'ensemble des institutions sociales d'une civilisation et d'une race, dont le droit n'est qu'un produit[32]». Cet échec démontre bien que l’assimilation est un processus lent qui suit le rythme d’évolution des civilisations, et non « le résultat d’une volonté politique[33]».

Alors que l'empire s’étend, il s'évertue de plus en plus à gouverner les populations en appliquant le droit local « à partir de la fin du siècle et jusqu’à la Seconde guerre mondiale, on assiste à un vaste mouvement d'institutionnalisation de juridictions indigènes, mais aussi de codifications des "coutumes" dans tous les territoires de l'empire[34]». En s’appuyant sur le droit coutumier, l’empire colonial a renforcé la catégorisation des indigènes et souligné le refus affirmé et l’impossibilité d’appliquer le droit français. Le sujet s'est trouvé défini par son origine. La scission sujet/citoyen venant renforcer le pouvoir local. En effet, le droit colonial s'est peu soucié des acteurs et de la complexité des relations de pouvoir entre les colonisateurs et les colonisés. Le pouvoir local s’organise à partir de strates hiérarchiques de domination encore plus fortes. Ce que rappelle D. Schnapper[35], lorsqu’elle évoque que les fonctionnaires et les officiers issus de la métropole sont gagnés par les arguments des colons, dont ils étaient les défenseurs et les représentants.

Le droit colonial a servi de système normatif à la colonisation, alors que la colonisation elle-même est une entreprise codifiée. Dans une logique coloniale, il était aussi important de soutenir la souveraineté des coloniaux, que le statut d'indigène. Bien que ces statuts ne répondent pas aux mêmes droits et aux mêmes traitements[36]. Bien entendu, il serait sans doute rapide de limiter les interrogations juridiques coloniales à la question de la souveraineté pour des raisons historiques[37]. Ce travail de séparation des statuts répond davantage à un travail de catégorisation. Il cristallise un système d'oppositions. Le passage du statut de sujet à celui de citoyen s'avère impossible dans cette configuration puisqu'il requerrait une transformation raciale des individus ? Les statuts personnels et les systèmes juridiques sont des constructions de la société coloniale en vue de déterminer l'être des colonisateurs et des colonisés ; c'est un travail de catégorisation inscrit dans des contextes locaux. Ces catégorisations servent à conforter un ordre public colonial, jouant comme autant de normes ayant pour vocation de maintenir la domination : « citoyens et indigènes sont sujets d'Empire dans la mesure où ils ne peuvent déroger à leur droit, sous peine de remettre en cause les catégories qui sont au fondement de l'ordre politique colonial[38]».

Pour revenir à notre questionnement de départ, la construction « sujet indigène/ citoyen français » doit-elle être considérée comme une monstruosité juridique ou comme une modalité particulièrement « outrée du phénomène plus général de l'exclusion de la cité, qui serait au cœur des pratiques républicaines et aurait touché ensemble, quoique de manière très différente, indigènes, femmes, criminels et aliénés[39]» ? Il nous est difficile de répondre mais il conviendrait de repartir de la généalogie dans la situation coloniale afin d'apporter des éléments éclairants. A noter également que la situation coloniale entretient d’autres systèmes de discrimination que l’exclusion de la cité ?

Il faut ici souligner la difficulté qu'il y a de penser la citoyenneté, ou les perspectives de changement des statuts, dans la situation coloniale au regard des multiples enjeux qu’elle convoque. Par exemple, la relation à l’Autre dans une situation coloniale implique une catégorisation ethnique. Le rapport à l’Autre ne peut alors s’établir qu’à travers des critères mettant en jeu des formes multiples de discrimination.

En résumé, nous avons essayé, dans cette première partie, de résoudre cette contradiction entre sujet indigène et citoyen en l'interprétant comme se conformant à une logique coloniale. Toutefois, un travail approfondi de recherche s’avère nécessaire pour comprendre cette combinaison. Là où la construction « sujet indigène/citoyen » peut échapper à la contradiction, c’est lorsqu'elle est mise en lien avec les camps de regroupements. D. Schnapper nous a invités à penser la mise en place de ces camps à partir de cette inégalité juridique. Il est certain que l'inégalité de statut, au profit du renforcement ethnique (sujet indigène) est une source intéressante à exploiter concernant la construction de ces camps en Algérie. La littérature référencée à ce propos est peu abondante. Si on traduit ce postulat, cela revient à formuler la problématique sous une autre forme : le statut d'indigène remplit une fonction au sein de l'empire colonial. En d'autres termes, à quoi sert la désignation d’indigène ? Un tel statut possède une fonction propre dans le système colonial qu'il s'agit de mettre en lumière indépendamment de la mise en rapport avec la notion de citoyenneté.

Un autre point de vue pourrait préciser le sens de cette contradiction intellectuelle, qui consisterait à penser la colonisation par rapport à la République française et ses principes de droit. Une source de conflit qu’il serait peut-être judicieux d’examiner avec un regard historique : la colonisation et la construction de ces statuts juridiques inégaux ont pris forme au sein d’un empire[40].

L'analyse de la citoyenneté à l'intérieur de la nation, forte de ses règles universelles nous a en quelque sorte gêné  pour faire figurer ensemble sujet indigène et citoyen français. Cependant, D. Schnapper souligne la trahison de ces règles et les manquements mêmes à de tels principes. Dans le cas de figure étudié, la citoyenneté achoppe dès lors qu'un autre critère, par exemple, racial, ethnique, est introduit. Pourtant, ces manquements ne semblent pas affecter le principe universel auquel la citoyenneté se réfère[41].

D. Schnapper fait remarquer que la relation à l’Autre et la réflexion sur l’altérité ne sont pas nées avec la société moderne. Deux modes fondamentaux de concevoir l’Autre sont décrits. Un premier mode qui consiste à traduire le constat de la différence, c'est-à-dire l’évaluation de l’Autre en fonction de sa propre culture : « l’Autre ne peut être qu’un état imparfait de soi[42] ». L'autre forme de la relation à l’Autre participe, quant à elle, d'une attitude assimilationniste, qui selon D. Schnapper ne doit pas être confondue avec la politique d’assimilation, ni avec l’universalisme, dans la mesure, où « le véritable universel ne se confond pas avec aucune culture particulière dans une société historique concrète[43]». Cet universel, en effet, est un principe, un horizon, une idée régulatrice. En ce sens, il ne s’oppose pas « au particulier, il est l’horizon des relations entre les particularismes et la condition de possibilité de leurs échanges [44]». Il est analysé comme un horizon qui modèle les relations concrètes entre les individus et les collectivités historiques singulières. Du fait de sa non-réalisation, ce principe universel se donne pour vivant et durable et, dans un même temps, se voit fragilisé par une absence de contenu ? Mais « il ne s’agit pas de définir l’universalisme par son contenu mais par son principe : la possibilité et la volonté des hommes de s’arracher au moi, partiellement aux conditions qui leur sont imposées par leur naissance, d’un point de vue biologique, autrement dit la reconnaissance de leur liberté [45]».

Le principe de citoyenneté permet de gérer la diversité des populations dans la mesure où il assure l’inclusion politique de tous les citoyens faisant ainsi que les particularismes se maintiennent dans la sphère privée. D. Schnapper oppose bien entendu ce principe de citoyenneté à celui qui préside à la société coloniale, qui « politiquement est organisée selon un principe ethnique[46]». Ce qui justifie notre interrogation : la citoyenneté peut-elle s’inscrire dans une société coloniale ?

 

L’auteur rappelle que l’organisation du monde en Etats-nations comme fait et comme valeur a donné un « sens nouveau aux relations entre collectivités historiques[47]». L’auteur stipule que l’existence de relations interethniques est née d’un décalage entre entités politiques et collectivités historiques. Au regard des différences individuelles et groupales au sein d’une société dont les références sociales, juridiques se veulent communes, se pose le problème suivant : « comment faire vivre ensemble des personnes et des groupes, différents par leur origines et leurs cultures, qui ne sont plus reliés par la même religion mais par une citoyenneté commune, donc un principe abstrait[48] ? ». En résumé, comment dans une société démocratique peut-on concilier l'égalité formelle du citoyen et la reconnaissance légitime de l'attachement des individus à leur collectivité historique ? Ces questions fondent implicitement la sociologie des relations interethniques. Il serait intéressant de faire un lien entre les études postcoloniales et les relations interethniques[49].  L’auteur souligne que les relations ethniques soulèvent des problèmes directement politiques. Ce qui explique que D. Schnapper soutienne que le principe de la citoyenneté permet de gérer la diversité des populations dans la mesure « où il assurait l’inclusion politique de tous les citoyens, quelle que soit la diversité de leurs origines, tout en leur permettant de maintenir dans le privé leur fidélité à des références historiques, culturelles ou religieuses particulières[50]».

C’est dans le cadre de la politique de l’assimilation que les premiers sociologues ont étudié les relations ethniques et raciales : « pour eux, l’assimilation constituait un moyen démocratique de faire participer les membres des groupes minoritaires à la vie collective, elle n’impliquait pas qu’ils fussent contraints de renoncer à leur culture d’origine[51] ». Bien entendu, cette conception s’opposait à celle de la société coloniale « politiquement organisée selon un principe ethnique[52]». La société coloniale divisée par ses statuts juridiques et politiques. Dans la société coloniale, il existe alors trois groupes relevant de trois principes différents entre lesquels la mobilité est impossible[53] : les européens imposaient un ordre de puissance et de domination sans contrôle, puisque loin de la métropole, et les autochtones étaient divisés par la politique des colonisateurs et les groupes intermédiaires, c'est-à-dire des migrants volontaires ou involontaires. Cette scission manifeste une incohérence du système politique colonial au regard du principe du pouvoir et de contre-pouvoirs. Ce qui expliquerait que l’ordre colonial ait été « sapé par la diffusion du principe de la citoyenneté [54]». Les sociétés postcoloniales restent marquées par le passé colonial, à savoir le découpage des organisations et des institutions qui répondait davantage à une démarche coloniale[55]

La société coloniale, formée par les colonisateurs et les colonisés, « constitue un système où chacun est défini par sa relation avec l’Autre[56]». Cette relation avec l’Autre, dans la logique coloniale, est marquée par des repères identificatoires de l’ordre du collectif (exemple : « ils sont tous les mêmes »). La société colonisée produit de l’enfermement communautaire et pluricommunautaire, sinon de la division ethnique, en organisant, sous un statut ségrégué, l’accès au droit civil et, évidemment, à une réelle citoyenneté sociale et politique.

Les deux rôles du colonisateur se nourrissent l’un de l’autre : « le racisme est inhérent à la situation coloniale dans la mesure où il sert à justifier les privilèges des colons. La domination politique s’accompagne d’une domination culturelle[57]». C’est une société totale et simplifiante. A. Memmi dans son analyse de la situation coloniale décrit la relation à l’Autre dans cette situation. Elle se construit selon trois moments. D’une part, découvrir et mettre en évidence les différences entre colonisateur et colonisé. D’autre part, valoriser ces différences au profit du colonisateur et au détriment du colonisé. Enfin, absolutiser ces différences en affirmant qu’elles sont définitives. A. Memmi appréhende le racisme dans la situation coloniale non comme un détail « plus au moins accidentel, mais comme un élément consubstantiel du fait colonial. Non seulement il établit la discrimination fondamentale entre colonisateur et colonisé, condition sine qua non de la vie coloniale mais il en fonde l’immobilité [58]». A ses yeux, la carence la plus importante subie par le colonisé consiste à être placé « hors de l’histoire et hors de la cité [59]» ; c’est une sorte de mutilation sociale et historique puisque la domination politique s’accompagne de la domination culturelle : « la justification idéologique est d’autant plus nécessaire que la situation coloniale est contradictoire avec le principe de légitimité de la métropole [60]».

Dans la situation coloniale, la politique d’assimilation soi-disant appliquée au nom de la civilisation était un leurre : « une véritable politique d’assimilation – qui ne soit pas un simple slogan politique – impliquerait l’égalité de statut, elle consisterait à détruire les fondements d’une société organisée par la domination des colonisateurs sur les colonisés [61]». La société coloniale offre un laboratoire qui révèle les tensions, les contradictions entre les valeurs universelles et les pratiques de la réalité coloniale.

Dans ce travail, nous nous sommes essayé à comprendre la relation à l’Autre dans une situation coloniale. Il nous a semblé que la configuration juridique, aussi monstrueuse soit-elle, est une configuration du rapport à l’Autre qui ouvre des perspectives intéressantes pour interroger les principes démocratiques. Notre démarche répond à un travail d’exploration à partir de cet assemblage colonial « sujet indigène/citoyen », dont le caractère contradictoire - « un impensable » -, se révèle dans un déploiement historique que nous n’avons pas suffisamment exploité. Cette analyse du rapport à l’Autre dans une entreprise coloniale doit se poursuivre, afin de révéler les écarts, les tensions, les manquements aux principes démocratiques : « relever les échecs de la citoyenneté ne conduit à rejeter le principe lui-même ». En effet, le principe de l’universel est un principe généreux et modeste : une citoyenneté avec une ouverture potentielle[62], soutenue par l’idée d’expérience. Une expérience à caractère ouvert.  C’est un processus historique à nourrir.  Et il est certain que la trahison des valeurs démocratiques ne suffit pas à rejeter le principe même de l'universel. Bien que les incertitudes, les ambiguïtés de l’histoire mettent à l’épreuve ce principe de l’universel. Les interrogations autour de cet agencement « sujet indigène/citoyen » ont d’une certaine manière « encerclé » l’usage du concept de la citoyenneté. En quoi la société des citoyens doit être envisagé comme un projet national. Dans l’article sur la colonisation et la démocratie moderne, D. Schnapper remarque : «  la brièveté [de l'épisode colonial] tient aussi à ce que le projet colonial était contradictoire avec le projet même des démocraties modernes. La société coloniale était fondée sur l’inégalité de statut, juridique, politique et social des membres qui la composaient, alors que la légitimité de la démocratie moderne consiste à accorder à tous l’égalité du statut politique et juridique, c'est-à-dire la citoyenneté universelle. Seule, jusqu’à présent, la nation a répondu à cette aspiration. L’idée d’empire qui implique une relation de domination entre des peuples, dont le statut politique est inégal, est contradictoire avec les valeurs de la modernité [63]». Par conséquent, un hiatus existe entre « la nation et l’empire ». Cet élément s’ajoute à l’analyse et renforce la contradiction de départ entre sujet indigène et citoyen français. Si la nation répond aux exigences universelles, c’est qu’elle entretient un corps politique stable, ne reposant pas sur la force.

La théorie de la citoyenneté de D. Schnapper dégage d’une certaine manière cette notion de l’entreprise coloniale. « La référence à l’universel - principe qui, par définition, ne peut être réalisé – ne doit pas être exclusivement interprétée comme un masque destinée à légitimer la réalité des inégalités et des exploitations[64]».

En résumé, la contradiction de départ entre sujet indigène et citoyen français justifie l’étude des camps de groupements en Algérie. En ce sens, la contradiction était nécessaire. Elle signe que la relation coloniale est impensable avec le principe universel.

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  • D. Schnapper, « Citoyenneté et racisme », in Histoire et anthropologie, n°17, Juillet/décembre, 1998, pp. 19-26.
  • D. Schnapper, La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de la nation, Paris, Gallimard, 1994.
  • D. Schnapper, La relation à l’autre. Au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1998.

 

Seltana Aballache

 



[1]D. Schnapper, La relation à l’Autre. Au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1998.

[2]Au regard de la psychologie, la relation à l’Autre s’inscrit dans un rapport à l’altérité qui fait appel aux composantes psychiques des individus, et qui n’intègre pas forcément les enjeux sociaux. De plus, la question de l’étranger est abordée de manière universelle, puisque la peur de l’étranger est un phénomène connu de tout humain, à l’âge de huit mois. En effet, chez l’enfant, la peur de l’étranger est une angoisse face à tous les visages différents du visage maternel. Par ailleurs, D. Schnapper souligne, dans le chapitre III, les limites de la psychologie à rendre compte des phénomènes historiques. Il est vrai que la psychologie étudie des processus psychiques chez l’humain. En cela, cette discipline rend pertinent le concept de l’universalisme car le psychisme est, à la fois, commun et propre à chaque homme. Les instances psychiques sont identiques, et ce qui différencie les individus, c’est l’interprétation des événements de la réalité psychique qui peut, d’ailleurs, ne pas correspondre à la réalité objective « la limite de la psychologie : l’intelligibilité des phénomènes proprement historiques », op. cit., p. 153.  

[3]D. Schnapper, op. cit., p. 28.

[4]D. Schnapper, La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne des citoyens, Paris, Gallimard, 1994.

[5]D. Schnapper, « Colonisation et démocratie moderne », texte envoyé par D. Schnapper en 2010, pp. 1- 4.

[6]Ibid., p. 2.

[7]Ibid., p. 2. D. Schnapper soutient l’idée que la situation coloniale rendait la politique d’assimilation impossible. Par conséquent, la politique suivie ne pouvait que trahir les principes démocratiques.

[8]Ibid., p. 2.

[9]I. Merle, « Retour sur le régime de l’indigénat : Genèse et contradictions des principes répressifs dans l’empire français », in French Politics, Culture and Society, Vol 20, n°2, Summer 2002.

[10]Ibid., p. 78.

[11] I. Merle, op.cit.,

[12]Ibid., p. 78. L'auteur fait référence à plusieurs thèses de droit qui sont consacrées au régime de l'indigénat en tant que tel. La majorité se rapporte au cas algérien.

[13]Ibid., p. 78.

[14]J. Baechler, Le pouvoir pur, Paris, Calmann-Lévy, 1978.  J. Baechler différencie l’autorité du pouvoir.

[15]I. Merle, op. cit., p. 78.

[16]Ibid., p. 79.

[17]Ibid., p. 80.  Concernant l’Algérie, la loi du 28 juin en 1881 prévoit une application du régime de l’indigénat limitée à sept ans car elle considère ce régime comme une simple étape, nécessaire dans l’évolution d’un pays.

[18]Ibid., p. 80. Au sein de cet espace, les indigènes commettent des délits inconnus ou non prévus en France mais qualifiés comme tels pour les indigènes dans les colonies, délits auxquels correspondent des peines individuelles ou collectives qui n’entrent dans aucune catégorie pénale. Ce sont des délits qui n’existent pas en France, et qui, en Algérie, sont condamnables. La logique de l’arbitraire s’applique de manière totale. Le régime de l’indigénat s’applique à plusieurs niveaux, au niveau des pouvoirs militaires engagés dans une logique de conquête et au niveau de la répression de proximité. La justice répressive est exercée par l’autorité administrative (échelons supérieurs (gouverneurs) ou administrateurs, chefs de districts,  chefs indigènes) au mépris du droit français, « à savoir l’exigence d’une séparation des pouvoirs judiciaires et administratifs, garante des libertés publiques », op. cit., p. 80.

[19]J. Levesque, « L’administration de l’Algérie », in Colonisation et décolonisation. Analyse du processus, Paris, Editions des écrivains, 1998, pp. 351. L’auteur fait une analyse des lois, décrets, mis en place au sein de l’administration française de l’Algérie. L’analyse du processus révèle une instabilité et une fragilité importantes au sein de l’administration. L’élément frappant est une structure juridique marquée par la multiplication des divisons internes. Ce travail montre ce qu'il en est du pouvoir local en Algérie.

[20]I. Merle, op.cit, p. 84. Par le sénatus-consulte de 1865, les Algériens sont français mais non citoyens. Hormis le statut personnel auquel ils restent soumis, c'est l’application exclusive qui leur est faite du régime de l’indigénat.

[21]Ibid., p. 92.

[22]D. Schnapper, La relation à l’Autre, op. cit.,

[23]E. Saada, « Penser le fait colonial à travers le droit en 1900 », in Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, (cahiers Georges Sorel), n°27, 2009, pp. 114.

[24]Ibid., p. 114.

[25]Ibid., p. 114.

[26]Ibid., p. 115.

[27]Ibid., p. 115. En Algérie, le projet de codification du droit musulman a ainsi occupé une grande partie de la fin du XIX siècle.

[28]E. Saada,  Les enfants de la colonie : Les métis de l’empire français, entre sujétion et citoyenneté, Paris, Editions La Découverte, 2007, p. 117.

[29]Ibid., p. 119.

[30]Ibid., p. 122.

[31]Ibid., p. 123.

[32]Ibid., p. 124.

[33]Ibid., p. 123.

[34]Ibid., p. 123.

[35] D. Schnapper, « Colonisation et démocratie moderne », op. cit., p. 2.

[36]E. Saada, « Citoyens et sujets de l’empire français. Les usages du droit en situation coloniale », in Genèse, n°53, Décembre 2003,  p.12. En 1936, un manuel de droit colonial présente le maintien de la souveraineté comme le problème central, au point de rejeter la question indigène aux marges du droit colonial

[37]Cette juridiction a été formulée sous l’Ancien Régime. A partir du XIXème siècle, la « question indigène » va progressivement prendre une grande importance. Et elle s’articulera par la suite sur celle de la souveraineté.

[38]Ibid., p. 23.

[39]Ibid., p. 24.

[40]En effet, la construction de cette nationalité sans citoyenneté est antérieure à la IIIème République.

[41]D. Lochak, « La citoyenneté : un concept juridique flou », in Citoyenneté et nationalité. Perspectives en France et au Québec, Paris, Puf, 1991 p. 179. Peut-on définir rigoureusement cette notion « dont la charge idéologique et la signification politique apparaissent avec plus de clarté à l'observateur que le contenu conceptuel  L'auteur défend l'idée que dans l'histoire de la Révolution française, le concept de citoyenneté n'est pas clairement défini juridiquement. En effet, la citoyenneté ne figure pas dans le droit positif français qui ne connaît que deux notions. La nationalité qui est un concept juridique aux contours parfaitement définis. De là s'opère une distinction entre national et étranger et s'affiche ses relations étroites avec la citoyenneté. La deuxième notion est constituée par les droits civiques qui représentent « les attributs de la citoyenneté (p 179).  Selon l'auteur, il n'est pas certain que la citoyenneté puisse se résumer au seul droit de vote, ni même aux droits civiques. En deçà des droits politiques, la citoyenneté suppose la liberté et la légalité.

[42]Ibid., p. 38.

[43]Ibid., p. 37.

[44]Ibid., p. 37.

[45]Ibid., p. 43.

[46]Ibid., p. 187.

[47]Ibid., p. 185. « Collectivités historiques » en italique dans le texte. Il y a toute une partie dans le livre consacrée à l’étude du concept d’ethnicité aux Etats-Unis fort intéressante, qui fait référence aux études sociologiques sur les Noirs américains. D. Schnapper remarque que ce terme est peu utilisé en France, et qu’on a tendance à davantage parler d’immigration, de racisme et de citoyenneté. L’auteur donne l’exemple des Etats-Unis depuis les années 20 et de la Grande-Bretagne, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, qui étudient les relations entre races (race relations), les relations interethniques (ethnic relations) et  l’ethnicité (ethnicity).

[48]Ibid., p. 185

[49]Le postcolonial c’est pour désigner ce qui vient chronologiquement après la colonisation, et le post-colonial pour penser le postcolonial comme tout ce qui procède du fait colonial, sans distinction de temporalité (selon Akhil Gupta cité par Jean-François Bayart, « En finir avec les études postcoloniales », le Débat, n°154, mars-avril 2009, pp. 119-140).  On écrit post-colonial pour désigner une situation historique qui vient après l’ère coloniale tandis que le « postcolonial » sert à désigner un ensemble d’œuvres littéraires ou un complexe théorico-critique  écrits dans une langue héritée de la colonisation et partageant nombre de traits liés à ce fait historique (P. Blanchard, N. Bancel, S. Lemaire, Culture post-coloniale 1961-2006. Traces et mémoires coloniales en France, Paris, Autrement, 2006, p. 167.

On parlera en ce sens, par exemple, de littératures anglophones ou francophones postcoloniales. Celles-ci sont alors étudiées dans leur dimension de résistance, de réfutation et de proposition de contre-discours et de formes déviantes.

En ce qui concerne, la postcolonialité, elle est aujourd’hui un concept idéologique lié à un moment historique dans lequel s’inscrivent des auteurs qui se définissent en termes de communauté d’origine, d’identité ou d’identification (J. Assayag, « Les études postcoloniales sont-elles bonnes à penser ?», La situation postcoloniale : les postcolonial studies dans le débat français, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 2007, p. 229.

[50]D. Schnapper, op.cit., p. 186.

[51]Ibid., p. 187.

[52]Ibid., p. 187.

[53]Ibid., p. 226

[54]Ibid., p. 187.

[55]Ibid., p. 187.     

[56]Ibid., p. 228

[57]Ibid., p. 228. D. Schnapper souligne que la race et l’ethnicité n’expliquent pas par elles mêmes l’instabilité politique, mais elles constituent une dimension des conflits sociaux nés de l’absence d’un domaine public régi par les lois de la citoyenneté.

[58]A. Memmi, Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur, Paris, Gallimard, 2002, p. 93.

[59]Ibid., p. 111.

[60]D. Schnapper, op. cit., p. 229.

[61]Ibid., p. 230

[62]Ibid., p. 448. Ce qui caractérise la citoyenneté moderne, par  rapport à d’autres organisations fondées sur des principes, dynastiques ou ethniques, c’est son ouverture potentielle. Dans la société des citoyens, l’idée de la citoyenneté est fondée sur le principe de l’égalité (droit naturel) mais elle n’est jamais réalisée en tant que telle. Ce serait confondre la vocation d’universalité et la réalité historique, op. cit., p. 450.

[63]D. Schnapper, « Colonisation et démocratie moderne », op. cit., p. 4.

[64]Ibid., p. 453-454. D. Schnapper ne souligne qu’un ordre ethnique qui impose « une ethnisication constante des relations entre les groupes et les individus, constitue un scandale par rapport au principe de la citoyenneté ».  

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